Après des années d'incompréhension entre politiques et entrepreneurs pour ce qui concerne l'économie numérique, il semblerait que les choses soient en train de changer. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec le e-G8 et la création du Conseil National du Numérique (dont je suis membre), le Président de la République a décidé de s'emparer du sujet...
Comme toujours, les initiatives de Nicolas Sarkozy - qu'elles soient bonnes ou mauvaises - sont fortement critiquées, c'est une donnée consubstantielle de sa personnalité et de son activisme.
Pourtant, dans ce cas précis, et indépendamment de ma participation au CNN - position qui me place forcément dans une position particulière pour traiter de ces sujets - je crois indispensable de soutenir globalement cette démarche, que l'on soit de gauche ou de droite, Sarkozyste intransigeant ou anti-Sarkozyste fanatique...

Convaincu de la nécessité de défendre ces initiatives, j'ai donc publié à l'occasion du e-G8 une tribune sur le site d'un grand quotidien (*) que je voulais partager avec vous :
Deux ou trois choses que la France doit comprendre sur l'Economie Numérique
Une conjonction de facteurs ouvre au pays une opportunité pour se repositionner sur l'échiquier mondial du numérique. A condition de ne pas limiter les politiques publiques à de simples mesures d'incitations fiscales.
Partons d'un constat : la France possède la cinquième économie dans le monde, mais son poids dans le secteur du numérique est bien plus faible. Par exemple, l'industrie du logiciel représente 300 milliards d'euros dans le monde, mais les éditeurs français ne comptent que pour 5 milliards dans ce total et très peu d'entre eux ont réussi à passer le cap des 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. En soit, cet écart manifeste ne serait pas problématique si les Français étaient mauvais dans ce domaine, mais ce n'est pas le cas ! Nos ingénieurs et entrepreneurs sont unanimement reconnus dans cette industrie. Dans la Silicon Valley, nombre de nos compatriotes occupent des postes à responsabilités.

La Génération Y se projette d'emblée à l'international
S'intéresser à ce décalage, et aux façons de le réduire, est pertinent en ce moment, car nous traversons une période favorable. Jusqu'à récemment, la France n'était pas prête à mener une transition en profondeur vers l'économie du numérique. Dans les années 90 et 2000, nos politiques étaient totalement déconnectés des technologies ; le monde de l'entreprise était mal perçu par la société civile, et l'Education Nationale n'intégrait pas suffisamment l'enseignement des technologies.
Cet environnement s'avérait extrêmement défavorable au développement d'une économie de l'immatériel. Internet contribue à faire sauter bien des barrières : tout politique sait désormais se servir à minima de l'e-mail ; le réseau global fournit l'opportunité de développer des activités sans investissement lourd ; et les jeunes - on parle souvent de génération Y - sont nés avec la mondialisation et le virtuel tandis que leurs aînés, sont qui ont été aux commandes dans les années 70 et 80, ont peiné à intégrer ce nouveau paradigme. Une fenêtre de tir s'est ouverte à nouveau ; il s'agit de ne pas la laisser se refermer sans en avoir profité !

Pour ce faire, la France doit mettre en place l'environnement qui permette aux start-up de devenir des PME, puis des ETI (établissement de taille intermédiaire) et enfin de grandes entreprises. Comme me l'a appris mon parcours, ce chemin est pavé d'obstacles. Pour les surmonter, les entrepreneurs ont besoin non pas d'une solution isolée, mais bien d'un écosystème comprenant des formations adaptées, des financements, l'accès aux marchés boursiers et un environnement législatif favorable. Quand une start-up démarre dans la Silicon Valley, elle trouve autour d'elle d'autres jeunes sociétés, des universités, des financiers, des cabinets de lobbying, des avocats...
Jusqu'alors, y compris pour les pôles de compétitivité, la France a eu tendance à restreindre sa réflexion à la seule fiscalité et non à une conjonction de facteurs. Or, la fiscalité ne fait que créer un effet d'aubaine. Il faut dépasser ce réflexe et créer les conditions pour que toutes les parties prenantes - universités, entreprises, capital-risque, sociétés travaillant dans des domaines connexes, etc. - trouvent un intérêt à travailler ensemble, avec ou sans pole de compétitivité.
Conseil National du Numérique : des critiques injustifiées
Dans ce contexte, la création du Conseil National du Numérique (CNN) intervient comme un signal positif. D'abord, parce que c'est la première fois que l'exécutif met en place un organisme de consultation sur le numérique composé de professionnels du secteur. Et nous avons la garantie que cet organisme sera systématiquement consulté pour toute disposition législative relative au numérique, ce qui lui donnera la possibilité de réagir avant le vote des lois.
Surtout, le CNN se veut une force de proposition : par exemple, alors que la création du conseil reste très récente, nous avons décidé de rouvrir le dossier de la Jeune entreprise innovante (JEI), dont le statut a été récemment remis en cause. Les membres du CNN sont tous convaincus que la JEI est un élément clef de l'écosystème du numérique et que nous pouvons apporter au gouvernement une expertise et des propositions sur ce sujet.
Comme le montre cet exemple, le CNN a vocation à être utile. Il ne s'agit pas d'un lieu d'équilibrage politique entre toutes les composantes de la société : cela aurait été le cas si associations de consommateurs et représentants des salariés avaient été représentés comme l'ont demandé ceux qui ont critiqué la composition du CNN. Aller dans ce sens aurait été une erreur de positionnement énorme. Il s'agit pas d'avantage d'un énième comité Théodule, mais bien de la réunion d'entrepreneurs et d'acteurs du Numérique qui n'ont pas de temps à perdre et vont choisir leurs combats dans une optique d'efficacité...
(*) Tribune réalisée avec Reynald Fléchaux et publiée sur le site du journal le Monde dans le supplément Entreprises:
Crédit Photos:
Sarkozy au e-G8 (c) Cyberpresse.ca
Contribution de l'économie numérique à la croissance (c) Rexecode
Génération Y (c) Ask No Tell
Le premier téléphone portable au Monde, Motorola (c) Mobilophiles

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3Jun2011